Quel voyage. Le Belluraire revenait de Suramar, ses hommes avaient même refusé de boire un verre après leur mission. Cambrioler Meredil. Dérober une branche de l’Arcandor. Si Melkior n’avait plus foi en ses dieux au moins sa chance ne l’avait pas quitté. Tous étaient sortis indemne. Des egos avaient été froissés, des principes avaient été estropiés, mais l’homme avait ce qu’il voulait.
Curieuse chose que cette branche, si fine, mais luisant encore du mana qui lui servait de sève. Suramar était une belle région, il avait déjà eu l’occasion de la voir en image, mais jamais en vrai. Il comprenait en la voyant une partie des souvenirs que Lyandis transmettait parfois à Tarantis. L’Empire Elfe, en son temps, était magnifique. Dans sa chambre d’auberge il avait commencé son office, traçant un pentagramme en sel de Fonderoc, respectant scrupuleusement les instructions laissés par Kélianne sur le rituel. Il observait l’heure, minuit sonnerait bientôt. Et avec le douzième tintement la cérémonie devrait commencer.
« J’ai tué pour Vous. J’ai vaincu pour Vous. Vous m’avez tout pris bande de Sauvage capricieux. Vous m’avez pris ma femme. Vous m’avez pris mon familier. Vous m’avez même pris mon âme. Mais vous ne me la prendrai pas Elle. Je refuse. Si vous tenez un tant soit peu à votre Equilibre à la con que je vante et défend au mépris de tout ce que j’ai… Vous me les laisserez. Vous me laisserez ma famille. »
Melkior reconnaissait à peine sa voix, sa douleur trop longtemps contenu, sa colère d’impuissance, tout ressortait. Les druides ne savaient pas si Lyandis et son enfant survivraient ? Melkior lui, désormais, le savait. Il ne fallait qu’un rituel. La pente était dangereuse, glissante, mais il ne pouvait se résoudre à tout perdre. Il disposa les cœurs d’élémentaires. Un à chaque branche du pentagramme. Eau, Feu, Air, Terre et pour la dernière. La branche du Nord… Il mit le plus important. L’Arcandor. L’ultime offrande.
Le rituel débuta. Melkior scandait doucement les paroles en se servant des traductions de la demi elfe qui était devenu, avec le temps, une bonne amie. Elle avait pris soin d’honorer ses souhaits, non parce qu’elle le lui devait mais parce que c’était ce qu’elle aimait faire. Lentement les cinq artefactds s’élevèrent avec l’incantation. Les quatre cœurs se rejoignirent dans une lumière d’un jaune puissant. La branche s’enroula autour des restes d’élémentaires qui formait désormais une étrange gemme iridescente dans laquelle on devinait l’éclat de l’Essence Primordiale. C’était fait… Enfin.
Il ressortit de sa chambre et regagna le camp de réfugié, le pas rapide, Tarantis surveillait sa progression depuis les toits. Tout les sens en éveil. Il ne comptait plus sur la perception de la Vie pour anticiper les dangers. Les Goules rodaient. Il n’en rencontra pas ce soir-là. Quand il la rejoignit, Vesha était a son chevet. Ils se regardèrent et les deux ne posèrent aucune question. Tout deux passaient des moments éprouvants entre goule et inquiétude. Mais le belluaire parvient à lui sourire, c’était un sourire triomphant. Sa mère vivrait, à ce simple mot, il le lui assurait.
Doucement, il se pencha sur le corps de son aimée, gouta ses lèvres qui avait la fraicheur du sommeil. Il lui prit une mèche de cheveux, proprement découpée avec son coutelas, pris une mèche des siens et les tressa toute deux avec application en une tresse fragile que Tarantis vint consolider avec sa toile. Les deux chevelures mêlées lui garantiraient que Lyandis pourrait s’harmoniser avec le collier tout en lui permettant, s’ils étaient tous deux d’accord, de le lier ensuite à leur enfant. A leur sang. En lui passant le collier autour du cou, il se remémora la question qu’on lui avait posé a Suramar.
« Jusqu’ou irais tu pour elle ? » Avait demandé Phergrym. Melkior parvint à sourire, un sourire de défi non pas à la question mais adressé à ses Dieux « Je renverserai le monde. »
